I.
Sous le sixième consulat d'Honorius Auguste, le sept des ides de décembre, Augustin, évêque de l'Église catholique dans la région d'Hippone, commença la discussion en ces termes : Hier, vous le savez, vous avez déclaré que vous pouviez justifier les écrits des Manichéens et prouver qu'ils contiennent la vérité. Si vous avez encore aujourd'hui cette pleine assurance, parlez.
Félix. Je ne rétracte pas ce que j'ai dit; oui j'ai promis de justifier ma loi, pourvu qu'on en présente le texte et qu'on en cite les auteurs.
Augustin produisit aussitôt la lettre que les Manichéens appellent fondamentale et ajouta Voici le document dans lequel je vais lire, c'est la lettre que vous appelez fondamentale ; la reconnaissez-vous ?
Félix. Je la reconnais.
Augustin. Prenez-la vous-même, et lisez.
Félix la prit en effet et lut : « Manès, apôtre de Jésus-Christ par la providence de Dieu le Père. Voici les paroles salutaires issues d'une source éternelle et vivante; celui qui les écoutera, et après y avoir cru, les mettra en pratique, ne mourra jamais et jouira de la vie éternelle et glorieuse. Bienheureux, en effet, celui qui aura reçu cette doctrine, car il y trouvera la liberté de la vie éternelle ».
Augustin. Vous reconnaissez que cette lettre est bien celle de votre Manès ?
Félix. J'en suis persuadé.
Augustin. Prouvez-nous donc à quel titre Manès est l'apôtre de Jésus-Christ. En parcourant l'Évangile, je n'y ai rencontré nulle part son nom parmi ceux des Apôtres; d'un autre côté, nous savons que le traître Judas fut remplacé par saint Matthias, et que Paul fut, dans la suite, appelé à l'apostolat par la voix du Seigneur lui-même[^1]. Prouvez-nous donc que le titre même de cette lettre n'est pas un mensonge, et que Manès est véritablement l'apôtre de Jésus-Christ.
- Act. C, 26; IX.
