IV.
Je conviens qu'il y a plus que de l'absurdité à adresser à votre sainteté un semblable langage. Vous n'êtes pas sans connaître la perversité, la méchanceté et les ruses de celui qui combat contre les fidèles et contre les hommes les plus illustres, jusqu'à forcer Pierre, dans une seule nuit, à renier trois fois son Maître, jusqu'à ne pas permettre à Thomas de croire à la résurrection du Seigneur. Disons toutefois que le remède du pardon a guéri toutes ces blessures. Mais quelle trame audacieusement ourdie, de mêler la zizanie à la bonne semence répandue par le Seigneur, et de ravir l'Iscariote au bon Pasteur, de venir jusqu'au dernier supplice de la croix, d'inspirer aux scribes et aux pharisiens un tel désir de la mort du Sauveur, qu'ils demandent à grands cris la délivrance de Barrabas et le crucifiement de Jésus ! Nous avons donc échappé à ce désastre, uniquement parce que le Sauveur pour nous était un être tout spirituel. En effet, telle fut l'audace de cet adversaire, que si Notre-Seigneur eût été charnel, toutes nos espérances disparaissaient comme un rêve. Le supplice même de la croix ne devait pas suffire à apaiser sa haine ; il lui fallut le couronner d'épines, l'abreuver de fiel et de vinaigre, le percer avec la lance du soldat, le couvrir des blasphèmes vociférés par le mauvais larron[^1]. La mort du Sauveur sembla en quelque sorte inspirer à sa haine une nouvelle énergie. En effet, à peine les Apôtres commençaient-ils à enseigner, qu'il souleva contre eux une multitude de questions, et, ce qui est pire encore, couvrit du nom de superstitions les dogmes les plus sublimes de la doctrine catholique. Je passe sous silence la révolte qu'il souffla à chacun des disciples contre les magistrats, les séductions dont il rendit victimes Hyménée et Alexandre[^2]; les crimes commis à Antioche, à Smyrne et à Iconium ; ajoutez-y les crimes commis actuellement par la multitude, pour qui la vertu est chose entièrement inconnue. Peut-on parler de vertu, quand il s'agit de la foule et surtout des femmes? Mais je m'abstiens de révéler toutes ces turpitudes intérieures, dans la crainte de donner encore plus d'élan aux scandales. Le propre des sages est pourtant de tout supporter, de rire de tout et de s'appliquer uniquement à ce qui mérite la béatitude, à ce qui enfante à la vie.
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Matt. XXVI, XXVII ; Luc, XXII, XXIII; Jean, XVIII-XX.
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I Tim. I, 20.
