VI.
Et voilà pourquoi nous croyons que les corps ressusciteront après la fin du monde, non pas, comme le veulent les stoïciens, pour que les mêmes choses se produisent sans cesse et périssent selon la succession de certaines périodes, sans aucune utilité, mais, une fois les siècles de ce monde accomplis,1 définitivement, en considération de l’état des hommes seulement, en vue du jugement. Et nos juges ne sont pas Minos et Rhadamanthe, avant la mort desquels, selon la fable, aucune âme n’était jugée, mais celui qui doit nous éprouver, c’est Dieu lui-même, notre créateur. Vous pouvez nous tenir, tant que vous voudrez, pour des bavards et des radoteurs2 nous n’en avons cure, puisque nous avons foi à cette doctrine. Car, comme je n’étais pas avant que d’être né et j’ignorais qui je devais être je n’avais en effet qu’une existence latente dans la matière générale de la chair. et comme une fois né, moi qui n’existais pas autrefois, j’ai cru à mon existence par suite de ma naissance, ainsi, moi qui suis né, qui par la mort ne serai plus et que nul ne verra plus, je serai de nouveau, de même que je suis né après un temps où je n’étais pas.3 Si le feu détruit ma misérable chair, le monde conserve cette matière qui s’en est allée en fumée ; si je disparais dans un fleuve ou dans la mer, si je suis mis en pièces par les bêtes féroces, je suis en dépôt dans le magasin d’un maître opulent. Et le pauvre je veux dire l’athée ne connaît pas ce dépôt, mais Dieu, le souverain maître, quand il le voudra, reconstituera dans son état ancien la substance qui n’est visible qu’à lui seul.
