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RIEN de plus convenable, lorsqu'on se propose de raconter la manière dont a été formé ce monde visible , que de commencer avant tout par annoncer le principe des êtres dont la beauté frappe nos regards. Je parlerai de la création du ciel et de la terre, qui ne doivent pas leur existence au hasard, comme plusieurs l'ont pensé, mais à la sagesse d’un Dieu tout-puissant. Comment doit-on écouter d'aussi importants objets ? comment doit-on se préparer à entendre d'aussi grands récits ? il faut se présenter avec une âme épurée des passions charnelles et dégagée des soins de la vie. Il faut un esprit éveillé, attentif, qui se soit étudié à se remplir de pensées dignes de Dieu.
Mais avant que d'examiner combien les paroles de l'Ecriture sont exactes, et de chercher quels sens sont renfermés dans le peu de mots par où nous avons débuté, considérons quel est celui qui nous parle. Encore que nous ne puissions pas, vu la faiblesse de notre intelligence, pénétrer la profondeur de l'écrivain ; cependant , lorsque nous ferons attention combien il mérite notre croyance, nous nous porterons plus volontiers à embrasser ses sentiments. C'est Moise qui a composé l'histoire de l’origine du monde : Moïse que nous savons avoir été agréable à Dieu, lorsqu il n était encore qu'à la mamelle ( Act. 7. 20 et suiv. ) : Moïse que la fille de pharaon adopta, qu'elle éleva comme son fils dans le palais du prince son père, qu'elle fit instruire avec soin par le sages de l'Egypte : Moïse qui, détestant le faste de la royauté, et lui préférant l’humiliation de ses compatriotes , aima mieux être affligé avec le peuple de Dieu, que de jouir sans lui de plaisirs passagers et criminels : qui, naturellement ami de la justice, signala, même avant d'être chef du peuple , toute la haine que son caractère lui inspirait contre les méchants , et les poursuivit sans épargner leurs jours : qui, mis en fuite par ceux mêmes qu'il voulait servir, renonça volontiers aux fêtes de l'Egypte, pour se retirer dans l'Éthiopie, où, affranchi de toute autre occupation , il se livra uniquement à la contemplation des choses pendant quarante années : qui, figé de quatre-vingts ans, a vu Dieu, comme il est possible à un mortel de le voir, ou plutôt comme aucun autre ne l'a jamais vu, suivant le témoignage de Dieu même. S'il se trouve un prophète parmi vous, dit Dieu dans l'Ecriture, je me ferai connaître à lui en vision, je lui parlerai en songe. Mais il n'en est pas ainsi de Moïse qui gouverne toute ma maison, qui est mon serviteur très-fidèle. Je lui parlerai bouche à bouche ; il me verra face à face , et non sous des figures empruntées (Nomb. 12. 6 et suiv. ).
Or ce grand homme , qui a mérité de voir Dieu comme les Anges le voient, nous raconte ce que le Seigneur lui a appris. Ecoutons donc les paroles de la vérité, qui offrent, non les discours persuasifs de la sagesse humaine mais la doctrine pure de l'Esprit-Saint ( I. Cor. 2. 4. ); ces paroles dont la fin n'est pas les applaudissements de ceux qui écoutent, mais le salut de ceux qui veulent s'instruire.
