BASILE A LIBANIUS. CCCXXXIX-CXLVI.
St. Basile badine agréablement sur les louanges que Libanius a prodiguées a sa dernière lettre : il prétend ne point mériter ces louanges. Il lui envoie un nouveau disciple.
QUE ne peut point dire un rhéteur, et un rhéteur tel que vous ? On sait que le propre de son art est de faire paraître petit ce qui est grand, et de donner une granule idée des plus petites choses. C’est ainsi que vous venez d'en user à mon égard. Une lettre misérable, telle que vous devriez la traiter vous autres qui écrivez avec tant de délicatesse. une lettre qui ne vaut pas mieux que celle que vous avez entre les mains, vous la vantez au point de vous dire vaincu par elle, et de me céder la gloire de bien écrire ! Vous faites à peu-près comme ces pères qui, pour se divertir, laissent leurs enfants s'applaudir de la victoire qu'ils leur ont cédée. Par cet artifice, ils ne se font point tort à eux-mêmes, et ils entretiennent l'émulation de leurs enfants. En vérité, on ne peut tien imaginer de plus agréable que ce que vous en avez écrit pour vous amuser. C'est à peu-près comme si Polydamas ou Milon1 n'osaient entrer en lice avec moi pour la lutte ou pour le pugilat. J'ai eu beau chercher, je n'ai pu trouver d'exemple qui exprime bien ma faiblesse. Ceux qui aiment les hyperboles admireront plus le jeu que vous vous êtes permis en vous abaissant jusqu'à moi, que si vous aviez fait naviguer un Xerxès sur le mont Athos2. Pour nous, nous n'avons de commerce qu'avec Moïse, Elie, et d'autres saints hommes, qui nous présentent leur doctrine dans un langage barbare. Nous prêchons leurs maximes, dont le sens est aussi admirable que les expression, en sont grossières. Vous pouvez le remarquer par ce que je vous écris; car le temps m'a fait oublier ce que j'ai appris de vous. Ecrivez-moi toujours, mais choisissez des sujets qui, en faisant paraître votre habileté, ne me fassent pas rougir. Je vous ai envoyé le fils d'Anysius, que je regarde comme mon propre fils. Or , s'il est mon fils , il ressemble à son père, c'est-à-dire qu'il est aussi pauvre que moi. Vous devez m'entendre , étant un rhéteur aussi habile.
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Polydamas et Milon , deux athlètes fameux dont il est parlé dans le discours sur la lecture des livres profanes. ↩
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Athos , montagne de Thrace , les autres disent de Macédoine. On sait que Xerxès, dans son expédition contre les Grecs , la fit percer pour y faire entrer la mer et y faire passer sa flotte. Cette entreprise exécutée avait laissé une grande idée de la puissance de ce prince. Un Xerxès , le grec dit un barbare . Personne n'ignore que les Grecs appelaient barbare tout ce qui n'était pas grec. ↩
