3.
Ce n'était donc point là l'œuvre des apôtres, mais de la grâce qui les prévenait. Les voyages et la prédication étaient bien leur fait, mais la persuasion venait de Dieu qui agissait mieux; comme saint Luc nous le dit: « Il a ouvert leur coeur » ; et encore : « Ceux à qui il avait été donné d'entendre la parole de Dieu. — Pour faire obéir ». Il ne dit point: Pour chercher, pour démontrer; mais « Pour faire obéir ». Ce qui signifie : Nous n'avons pas été envoyés pour faire des raisonnements, mais pour rendre ce que nous avons reçu. Car quand le Maître prononce quelque chose, les auditeurs n'ont point à scruter et à s'enquérir curieusement, mais seulement à accepter. Les apôtres ont été envoyés pour dire ce qu'ils avaient entendu, et non pour y rien ajouter du leur; et nous, nous n'avons qu'à croire. Et quoi croire? « A son nom » (Act. III, 6) ; non pour nous livrer à des recherches curieuses sur sa substance, mais pour croire à son nom : car c'est ce nom qui opérait les miracles : comme il est écrit : « Au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche ». (Ib.) Ici il faut la foi, et nous ne pouvons rien comprendre par le raisonnement.
« Toutes les nations parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ». Quoi donc ? Paul a-t-il prêché à toutes les nations ? On voit clairement par ce qu'il écrit aux Romains, qu'il est allé de Jérusalem en Illyrie, et de là aux extrémités de la terre. Mais quand il ne serait pas allé partout, sa parole n'en serait pas moins vraie : car il ne parle pas seulement de lui, mais des douze apôtres et de tous ceux qui ont évangélisé après eux. D'ailleurs quand vous prouveriez qu'il parle de lui seul, vous ne pourriez encore le contredire, si vous tenez compte de son ardeur, et si vous considérez qu'il ne cessé de prêcher par toute la terre même après sa mort. Voyez comme il exalte la grâce de l'Evangile, et fait voir qu'il est grand et bien au-dessus de la première, car l'ancien ordre de choses ne regardait qu'un seul peuple, tandis que le nouveau a conquis la terre et la mer ! Voyez encore comme l'âme de Paul est éloignée de toute flatterie ! Il parle aux Romains qui se trouvaient comme placés à la tête de l'univers entier, et pourtant il ne leur accorde pas plus qu'aux autres nations ; bien qu'ils régnassent sur les autres, il ne leur attribue rien de plus dans l'ordre spirituel : nous vous prêchons, leur dit-il, comme à toutes les autres nations; il les met au rang des Scythes et des Thraces; sinon, il eût été inutile de dire : « Parmi lesquelles vous avez été, vous aussi ». Il fait cela pour détruire leur orgueil, corriger leur vanité, et leur apprendre qu'ils ne sont point au-dessus des autres. Aussi ajoute-t-il: « Parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ (6) ». C'est-à-dire, avec lesquelles vous avez été. Il ne dit point : a appelé les autres avec vous, mais vous a appelés avec les autres. Car, si dans le Christ Jésus il n'y a ni esclave ni libre, à plus forte raison ni roi ni particulier : aussi avez-vous été appelés et vous n'êtes point venus de vous-mêmes.
« A tous ceux qui sont à Rome, aux bien-aimés de Dieu, appelés saints, grâce à vous et paix de la part de Dieu notre Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Voyez comme il répète continuellement le mot d'appelé : « Appelé à l'apostolat; parmi lesquelles vous (195) êtes, vous aussi, appelés; à tous ceux qui sont à Rome, aux appelés». Et ce n'est point ici une superfluité, mais il veut leur rappeler le bienfait. Car comme vraisemblablement il y avait, parmi les croyants, des chefs et des consuls, ainsi que des pauvres et de simples particuliers, il efface toute distinction de dignités, en leur donnant le même nom. Que si dans les choses les plus nécessaires, dans l'ordre spirituel, tout est communaux esclaves et aux hommes libres; l'amour de Dieu, la vocation, l'Evangile, l'adoption, la grâce, la paix, la sanctification et tout le reste : comment ne serait-il pas souverainement déraisonnable d'établir des distinctions temporelles entre ceux que Dieu a réunis et rendus égaux dans des choses plus importantes? Aussi, détruisant dès le début cette funeste maladie, le bienheureux les introduit-il tous dans la source de tous les biens, l'humilité. C'était le moyen de rendre meilleurs les serviteurs, en leur apprenant que leur condition ne leur faisait aucun tort, puisqu'ils possédaient la vraie liberté; cela inspirait aussi la modération aux maîtres, en leur faisant voir que la liberté ne sert à rien, si elle n'est précédée par la foi. Et ce qui vous prouve que Paul n'agit point ici au hasard et sans discernement, mais qu'il sait parfaitement faire la distinction vraie, c'est qu'à ces mots : « A tous ceux qui sont à Rome », il ajoute ceux-ci : « Aux bien-aimés de Dieu ». Excellente distinction en effet et qui nous apprend d'où vient la sanctification.
