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Pourquoi donc, objectes-tu, Paul dit-il « Ce siècle pervers? » Il suit l'usage le plus général. Car nous aussi nous avons coutume de dire: Je ne suis pas content de ma journée, êt en parlant ainsi nous critiquons non pas le temps lui-même, chais nos propres actions, ou les circonstances. C'est ainsi que Paul critiquant les mauvaises pensées, s'est servi de cette expression si usitée, et qu'il montre que le Christ nous a délivrés de nos premiers péchés et qu'il nous a garanti la vie future. C'est ce que signifient ces paroles : « Qui s'est donné lui-même pour nos péchés »; et celles-ci qui viennent après : « Afin de nous retirer de ce siècle pervers », marquent la garantie pour l'avenir. La loi était sans force même pour un seul de ces deux cas, tandis que la grâce est puissante pour tous les deux à la fois.
« Selon la volonté de Dieu notre Père » Comme les Galates croyaient désobéir à 'Dieu, qui avait donné la loi, et n'osaient abandonner l'Ancien Testament pour le Nouveau, l'apôtre fait aussi tomber cette préoccupation en leur disant que le Père approuvait ces choses. Il n'a pas dit simplement: «, De Dieu le Père », mais: « De Dieu notre père » Il insiste continuellement là-dessus afin de les faire rentrer en eux-mêmes, en leur montrant que le Christ a fait en sorte que celui qui est son Père fût le nôtre. « A qui soit gloire dans tous, les siècles des siècles. Amen ». Voilà encore qui est nouveau chez Paul, et, qui ne lui, est pas habituel. Ce mot « Amen », nous ne le trouvons nulle part au commencement et au début de ses épîtres, . trais seulement vers la fin. Cette fois il a adopté cet exorde, parce qu'il veut montrer que ces paroles sont un acte complet d'accusation contre les Galates, et qu'il a dit tout ce qu'il avait à dire. Quand la culpabilité est évidente il n'est pas besoin, pour la confondre, d'un grand attirail de preuves. Il rappelle la croix, et la résurrection, la rémission des péchés, la garantie qui nous a été donnée pour l'avenir, les décrets du Père, les desseins du Fils, la grâce, la paix, tous les biens que nous lui devons, et il termine par des actions de grâces, Et ce n'est pas seulement- pour aboutir à des actions de grâces qu'il a fait cela, c'est aussi pour frapper très-vivement ses auditeurs au spectacle de tant de bienfaits, et devant cette grâce infinie, et pour qu'ils se disent à eux-mêmes : Qu'étions-nous pour que Dieu nous accordât ses faveurs coup sur coup et si promptement ? Ne pouvant les représenter par le langage, il a terminé brusquement par les actions de grâces : non que ses paroles soient à la hauteur de celui qu'il célèbre, mais il glorifie le Seigneur autant qu'il le peut et il appelle ses bénédictions sur toute la terre. C'est pourquoi il met ensuite plus d'âpreté dans son langage, comme si le souvenir des bienfaits de Dieu augmentait l'ardeur de son zèle. Car après avoir dit : « A qui soit gloire dans tous les siècles des siècles. Amen », il reprend avec plus de force en ces termes : « Je m'étonne que vous vous détachiez sitôt de celui qui vous a appelés à la grâce de Jésus-Christ, et que vous passiez ainsi à un autre Evangile (6) ».
Comme ils s'imaginaient plaire ,à Dieu en observant la loi, de même que les Juifs en persécutant le Christ , il leur prouve tout d'abord qu'en agissant ainsi ils irritent non-seulement le Christ, mais encore son Père. Par votre conduite, leur dit-il, vous vous séparez à la fois et du Christ et du Père. De même que l'Ancien Testament appartient non seulement au Père, mais aussi au Fils; de même la grâce appartient non-seulement au Fils, mais (579) aussi au Père, et tout entre eux est commun « Car tout ce qu'a mon Père est à moi ». (Jean, XVI, 15.) Il leur dit donc qu'ils se sont séparés même du Père, puis il leur adresse deux reproches : pourquoi s'en sont-ils séparés? pourquoi l'ont-ils fait si vite? Et certes, s'ils avaient agi autrement, s'ils ne s'en étaient séparés qu'après un long temps, ils mériteraient des reproches : mais ici il s'agit d'une oeuvre de séduction. Il mérite le blâme celui qui apostasie après un long temps, mais celui qui succombe au premier choc, et dès les premières escarmouches... Quelle preuve de faiblesse C'est aussi ce qu'il leur reproche, quand il dit: Quoi donc, vos séducteurs n'ont pas même besoin d'attendre, il leur suffit de faire un pas pour vous changer tous entièrement et s'emparer de vous ! Quelle excuse aurez-vous ? Si une pareille conduite à l'égard de ceux qui ont de l'affection pour nous est blâmable, et si celui qui abandonne ses premiers, ses bons amis, mérite d'être condamné, à quel châtiment est exposé, songez-y, celui qui s'esquive quand Dieu l'appelle. Quand Paul dit : « Je m'étonne », il ne parle pas ainsi seulement pour les faire rentrer en eux-mêmes, eux qui, après de tels bienfaits, après un pardon si complet de leurs péchés et une si grande indulgence, sont allés comme des transfuges se soumettre au joug de l'esclavage : il veut encore leur faire savoir quelle grande et quelle bonne opinion il avait d'eux. Car s'il les avait regardés comme des hommes ordinaires et faciles à tromper, il n'aurait pas été surpris de ce qui était arrivé ; mais comme vous êtes de braves gens, dit-il, et que vous avez passé par beaucoup d'épreuves, cela m'étonne de vous. Il suffisait de cette réflexion pour les reconquérir à la foi, et pour les ramener à leurs premières croyances. C'est aussi ce qu'il leur fait comprendre, vers le milieu de son épître, quand il dit : « C'est donc en vain que vous avez subi tant d'épreuves, si toutefois c'est en vain ! »
« Que vous vous détachiez si tôt... »; il n'a pas dit : « Que vous vous soyez détachés », mais. « Que vous vous détachiez». C'est comme s'il disait : Je ne crois pas encore, je ne pense pas que la séduction soit consommée. On sent encore ici la préoccupation d'un homme qui veut gagner les coeurs qu'il a perdus. Et cette préoccupation, il la laisse éclater encore plus, quand il dit : « Pour moi j'ai confiance en vous, je suis convaincu que vous n'aurez pas d'autres sentiments ». (Gal. V, 10.) « Je m'étonne que vous vous détachiez de Celui qui vous a appelés à la grâce du Christ ». Cet appel, c'est Dieu qui le fait, mais c'est le Fils qui en est cause : c'est lui qui nous a réconciliés avec son Père et qui est l'auteur du bienfait, car nous n'avons pas été sauvés par nos oeuvres de justice. Bien plus, les oeuvres de l'un sont les oeuvres de l'autre, « Car ce qui est à moi est à vous », dit le Christ, « et ce qui est à vous est à moi ». (Jean, XVII 10.) Il n'a pas dit : Vous vous détachez de l'Evangile, mais : « De Celui qui vous a appelés, de Dieu ». Il s'est servi des termes les plus propres à effrayer, à frapper les Galates. Ceux qui voulaient les séduire, ne s'y prenaient pas brusquement; mais peu à peu ils les écartaient du fond des choses, tout en ayant l'air de respecter les noms. C'est ainsi que le diable s'y prend pour nous décevoir, il se garde bien de laisser voir ses piéges. S'ils avaient dit aux Galates : Renier le Christ, ceux-ci auraient pensé qu'ils avaient affaire à des séducteurs dangereux , et se seraient tenus sur leurs gardes. Mais comme ils leur permettaient, en attendant, de demeurer dans la foi, et qu'ils abritaient leur tentative de séduction sous le nom de l'Evangile, ils sapaient en toute sécurité l'édifice de la religion. Les mots dont ils se servaient, servaient à cacher, comme derrière un voile, leur travail souterrain.
