DE L'INDULGENCE ENVERS LES INFIRMES.
5. Si à table, on traite différemment ceux qui sont infirmes par suite d'anciennes habitudes, que cette indulgence ne paraisse ni odieuse ni injuste à ceux qu'une autre manière de vivre a rendus plus robustes. Qu'ils ne les estiment pas plus heureux s'ils prennent ce qu'eux-mêmes ne prennent pas; qu'ils se félicitent plutôt de pouvoir ce que leurs frères ne peuvent. Et si l'on accorde à ceux qui ont vécu plus délicatement avant d'entrer au monastère, en fait d'aliments, de vêtements et de couvertures, ce qui n'est point accordé aux autres qui sont plus forts et par conséquent plus heureux, ceux-ci doivent penser combien les premiers ont quitté de la vie qu'ils menaient dans le monde, quoiqu'ils ne soient point encore parvenus à l'austérité des autres qui sont d'une santé plus forte ; et tous ne doivent pas réclamer ce qu'on accorde à quelques-uns pour les soutenir et non pour les distinguer; de peur que, par un renversement détestable, les pauvres ne s'habituent à la délicatesse, dans un monastère où, selon leurs forces, les riches s'accoutument au travail. De même que les malades doivent prendre moins pour n'être pas accablés, les convalescents doivent être traités de manière à être au plus tôt rétablis, fussent-ils sortis de la dernière indigence : comme si la maladie venait de leur causer la faiblesse laissée aux riches par leurs habitudes premières. Mais après avoir réparé leurs forces, qu'ils reviennent à leur ancien genre de vie, plus heureux et d'autant plus convenable aux serviteurs de Dieu, qu'ils y éprouvent moins de besoins; que la sensualité ne les retienne pas, après leur rétablissement, à ce qu'avait exigé d'eux la faiblesse. Qu'on regarde comme plus riches ceux qui sont plus capables de soutenir une vie austère; mieux vaut avoir moins de besoins que de posséder davantage.
