CHAPITRE III. POURQUOI LE SOIN DES FUNÉRAILLES ET DE LA SÉPULTURE EST LOUABLE.
5. « Toutefois ce n'est point là un motif de mépriser et de jeter à la voirie les corps des défunts, surtout ceux des justes et des fidèles, qui ont été comme les instruments et les vases dont l'âme s'est saintement servie pour opérer toutes sortes de bonnes oeuvres. Le vêtement et l'anneau d'un père, ou tout autre souvenir semblable sont d'autant plus chers à ses enfants que leur affection pour lui fut plus vive: à quel titre mépriserait-on les corps mêmes, qui nous sont unis bien plus étroitement que n'importe quel vêtement ? Le corps ne nous a pas été donné comme un ornement ou un aide extérieur, il appartient à la nature même de l'homme. De là vient qu'une piété attentive s'est empressée de rendre aux anciens justes les soins funèbres, de célébrer leurs obsèques, et de pourvoir à leur sépulture ; et tandis qu'ils vivaient, ils ont eux-mêmes prescrit à leurs enfants d'ensevelir leurs corps et parfois aussi de les transporter d'un lieu en un autre1. C'est en ensevelissant les morts que Tobie a mérité les faveurs de Dieu : c'est à ce titre qu'il est loué, et un ange même en rend témoignage2. Le Seigneur lui-même, qui devait pourtant ressusciter le troisième jour, publie et recommande de publier la bonne oeuvre de cette femme pieuse qui avait répandu une huile parfumée sur ses membres, et parce qu'elle l'avait fait en vue de sa sépulture3. L'Evangile mentionne encore avec éloge ceux qui prirent soin de recueillir son corps sur la croix, de le couvrir avec un soin pieux et de l'ensevelir avec honneur4. Toutefois ces faits autorisés ne signifient pas qu'il reste aucun sentiment dans les cadavres; mais ils nous montrent que les corps mêmes des morts ne sont pas étrangers à la Providence de Dieu, qui a pour agréables ces pieux devoirs, parce qu'ils servent à établir la foi en la résurrection. Il y a là aussi un enseignement salutaire ; et nous pouvons y voir combien sont nécessaires les oeuvres de miséricorde pratiquées à l'égard des vivants qui en sentent les effets, puisque Dieu ne laisse pas sans récompense les devoirs et les soins rendus aux membres glacés des mortels. II y a encore d'autres dispositions des saints patriarches sur leur sépulture ou le transport de leurs corps, et auquel ils ont attaché un sens prophétique5. Mais ce n'est pas ici le lieu d'en disserter, et les traits que nous venons de citer suffisent. Reprenons, et faisons une réflexion sur les choses nécessaires pour sustenter les vivants, telles que le vêtement et la nourriture. La privation ne s'en fait pas sentir sans une grande affliction, et pourtant loin de briser la vertu dans les bons, je dis la patience courageuse qui s'y soumet, loin de déraciner la piété de leurs âmes, elle l'exerce au contraire, et la rend plus féconde. A plus forte raison, la privation des funérailles et de la sépulture ordinaire ne peut-elle rendre malheureux ceux qui habitent déjà dans la paix les demeures invisibles des Justes. Par conséquent, lorsque dans la dévastation de cette grande ville et des autres, les cadavres des chrétiens furent privés de ces honneurs, il n'en résulta ni une faute pour les vivants qui ne purent les leur rendre, ni une punition pour les morts qui ne purent en rien sentir6 ».
Voilà comment j'ai raisonné cette matière de la sépulture, et tel est mon sentiment formulé ailleurs. Je l'ai transcrit ici, parce qu'il m'était plus facile de le copier, que de l'exprimer de nouveau d'une autre manière.
