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Mais au reste, Jean de Jérusalem, puisque vous avez en main la lettre de votre accusateur, il est fort inutile que vous le citiez et due vous l'obligiez de prouver ce qu'il avance contre vous. Nous savons tous ce qu'il vous a écrit, et de quels griefs, ou, comme vous dites, de quelles calomnies il vous charge: répondez-lui article par article ; suivez-le pied à pied , discutez toutes ses médisances et n'en laissez échapper aucune; car, si vous n'examinez sa lettre que d'une manière superficielle, et si vous en passez quelque endroit par inadvertance, comme je le veux croire après le serment que vous en avez fait , il ne manquera pas de se récrier aussitôt et de vous dire : « C'est ici que je vous tiens; c'est en cela que consiste toute la difficulté et tout le fond de notre dispute. » Un ennemi n'est pas si indulgent qu'un ami: celui-là chicane sur une vétille, celui-ci justifie tout, même les choses les plus mauvaises ; ce qui l'ait dire à un auteur profane que « les amis sont aveugles dans leurs jugements. » Mais peut-être avez-vous entièrement négligé cette sorte de littérature , occupé de l'étude de l'Écriture sainte. Ne comptez donc point sur le jugement de vos amis, et ne vous flattez point des sentiments qu'ils ont de vous. Le témoignage d'un ennemi est toujours véritable; si c'est nu ami qui parle en votre faveur, on le regardera, non comme un témoin ni comme un juge , mais comme un homme partial et qui est entièrement dans vos intérêts.
Voilà ce que vos ennemis ne manqueront pas de vous dire, s'ils ne veulent pas ajouter foi à vos paroles et s'ils prennent plaisir à vous exaspérer ; mais pour moi , à qui vous n'avez jamais donné le moindre chagrin , et que vous êtes obligé de citer à tout moment dans vos lettres, je vous conseille ou de confesser ouvertement la foi de l'Église, ou d'expliquer nettement vos sentiments ; car cette affectation avec laquelle vous mesurez et pesez toutes vos paroles peut bien surprendre les ignorants , mais un auditeur éclairé et un lecteur qui sera sur ses gardes découvrira sans peine les piéges que vous lui tendez, et fera connaître les artifices dont vous vous servez pour détruire la vérité. Les ariens , gens que vous connaissez parfaitement bien , firent longtemps semblant de condamner le mot homousion à cause du scandale qu'ils prétendaient que ce terme pouvait causer dans l'Église, couvrant ainsi sous des apparences spécieuses , comme avec un peu de miel , le poison de leur hérésie; mais enfin ce serpent entortillé se développa, et l'on frappa avec un glaive spirituel sa tête envenimée, qu'il avait cachée au milieu des replis de tout son corps. L'Église, comme vous savez, reçoit les pénitents, et, accablée par la multitude des pécheurs, elle pardonne aux pasteurs afin de ramener les brebis égarées. L'ancienne et nouvelle hérésie qui règne aujourd'hui se sert du même artifice que les ariens, afin que les peuples prennent dans un sens ce que les évêques disent. et entendent dans un autre.
