3.
Vous ne manquerez pas de me dire qu'une vertu si sublime n'appartient qu'aux hommes et aux apôtres , mais qu'il est impossible qu'une femme de qualité, qui a besoin de mille choses pour se soutenir dans son état, vende tout ce qu'elle possède. Ecoutez donc ce que dit l'apôtre saint Paul : «Je n'entends pas que les autres soient soulagés et que vous soyez surchargés, mais que, pour ôter l'inégalité, votre abondance supplée à leur pauvreté, afin que votre pauvreté soit aussi soulagée par leur abondance.» C'est pour cela que Jésus-Christ nous dit dans l'Évangile : « Que celui qui a deux robes en donne une à celui qui n'en a point. » Mais si l'on vivait parmi les glaces de la Scythie et les neiges des Alpes, où non-seulement deux et trois robes, mais les peaux même des bêtes suffisent à peine pour se garantir du froid de ces rigoureux climats, serait-on obligé de se dépouiller pour revêtir les autres? Par « une robe »on doit entendre : tout ce qui est nécessaire pour nous vêtir et pour subvenir aux nécessités de la nature, qui nous a fait naître tout nus; et par « les provisions d'un seul jour » on doit entendre : tout ce qui est nécessaire pour nous nourrir. C'est dans ce sens qu'on doit expliquer ce commandement de l'Évangile : « N'ayez point d'inquiétude pour le lendemain, » c'est-à-dire : pour l'avenir; et ce que dit l'Apôtre: « Pourvu que nous ayons de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents.» Si vous avez en cela du superflu, donnez-le aux pauvres; c'est une obligation indispensable pour vous. Ananie et Saphire méritèrent d'être condamnés par l'apôtre saint Pierre, parce qu'ils s'étaient réservé une partie de leur bien par une timide prévoyance. Est-ce donc un crime, me direz-vous, que de ne pas donner tout son bien? Non , mais l'Apôtre les punit de mort parce qu'ils avaient menti au Saint-Esprit, et qu'en se réservant ce qui leur était nécessaire pour vivre, et affectant de renoncer parfaitement à toutes les choses de la terre, ils ne cherchaient que l'approbation et la vaine estime des hommes. Au reste il nous est libre de donner ou de ne pas donner; mais celui qui pour être parfait renonce à tous les biens de la vie présente doit s'attendre de voir un jour sa pauvreté récompensée par la possession des biens futurs.
Pour ce qui est de la vie que doit mener une veuve, l'Apôtre nous en prescrit les règles en peu de mots lorsqu'il dit : « La veuve qui vit dans les délices est morte, quoiqu'elle paraisse vivante. » Je crois aussi avoir traité cette matière à fond dans les deux ouvrages que j'ai dédiés à Furia et à Salvina.
