Seconde question.
Comment doit-on entendre ce que le Sauveur dit dans saint Mathieu : « Or je vous dis que je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'à ce jour auquel je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père?»
Ce passage a donné lieu à la fable qu'ont inventée quelques auteurs, qui prétendent que Jésus-Christ doit régner durant mille ans d'une manière sensible et corporelle, et boire de ce vin dont il n'aura point bu depuis la dernière cène qu'il lit avec ses apôtres jusqu'à la fin du monde. Mais pour nous, nous croyons que le pain que le Seigneur rompit et donna à ses disciples n'est autre chose que le corps du Sauveur, comme il les en assura lui-même en leur disant : « Prenez et mangez; ceci est mon corps;» et que le calice est celui dont il leur dit encore: « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés. »C'est de ce calice que parle le prophète-roi lorsqu'il dit : « Je prendrai le calice du Seigneur; » et ailleurs: « Que votre calice, qui a la force d'enivrer, est admirable! »
Si donc « le pain» qui est descendu du ciel est le corps du Seigneur, et si « le vin» qu'il donna à ses disciples « est son sang, le sang de la nouvelle alliance, qui a été répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés, » rejetons les fables des Juifs, et montons avec le Seigneur dans cette grande chambre haute toute meublée et préparée, où il fit la Pâques avec ses apôtres; et là, recevons de sa main le calice du Nouveau Testament; faisons-y la Pâques avec lui, et enivrons-nous de ce vin qu'il nous présente, e dont la nature est de rendre sobres ceux qui en boivent. Car le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et dans le manger, mais dans la justice, dans la joie et dans la paix que donne le Saint-Esprit. Ce n'est pas Moïse, c'est notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a donné le véritable pain. Il est tout à la fois et le convive et la viande que nous mangeons à sa table; il y mange et il y est mangé; c'est son sang que nous buvons, et nous ne saurions le boire sans lui. Dans les sacrifices que nous lui offrons tous les jours nous foulons les raisins de cette vraie. vigne, de cette « vigne de force », qui veut dire: choisie, et nous en buvons le vin nouveau dans le royaume de son père, non pas dans la vieillesse de la lettre, mais dans la nouveauté de l'esprit, chantant ce cantique nouveau que nul ne peut chanter que dans le royaume de l'Église, qui est le royaume du Père céleste. C'est de ce pain que le patriarche Jacob souhaitait de manger lorsqu'il disait : « Si le Seigneur mon Dieu demeure avec moi, et me donne du pain pour me nourrir et des habits pour me vêtir, etc. » Car nous tous qui sommes baptisés en Jésus-Christ, nous sommes aussi revêtus de Jésus-Christ. Nous mangeons le pair des anges, et nous entendons le Seigneur qui nous dit: « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre. » Faisons donc aussi la volonté du père qui nous a envoyés; accomplissons son oeuvre, et Jésus-Christ boira son sang avec nous dans le royaume de l'Église.
