LIBANIUS A BASILE. CCCXXXVIII—CXLV.
Cette lettre est la réponse de Libanius à saint Basile: elle renferme une louange très-fine et très-délicate de la lettre de celui-ci. Le rhéteur annonce le plus noble désintéressement , en disant qu'il prend autant de soin des pauvres qui ne donnent rien , que des riches.
JE sais que vous m'écrirez souvent: Voici un autre Cappadocien que je cous envoie. Vous m'en enverrez , je suis sûr, un bon nombre, parce que vous faites de perpétuels éloges de moi, et que par-là vous excitez les pères et les enfants. Mais je ne dois pas vous taise ce qui est arrivé à votre agréable lettre. J'avais avec moi plusieurs personnages distingués qui ont été dams les charges, entr'autres l’admirable Alypius, cousin. du fameux Hiéroclès. Quand on meut remis votre lettre, et que je l'eus parcourue tout bas : Je suis vaincu, disais-je tout haut d'un air riant et satisfait.
De quelle défaite parlez-vous, me demandèrent ceux qui étaient présents, et pourquoi n’êtes-vous pas fâché si vous êtes vaincu. J'ai été vaincu, leur répondis-je, en fait de lettres gracieuses: Basile est le vainqueur; Basile est mon ami, et c'est ce qui cause ma joie A ces mots, ils témoignèrent qu'ils voulaient être eux-mêmes juges de la victoire. Alypius lut votre lettre, les autres l’écoutèrent: il fut décidé d'une voix unanime, que je ne m'étais pas trompé. Le lecteur gardait votre lettre, il voulait l'emporter, sans doute pour la faire voir à d’autres, et il ne la rendit qu'avec peine. Ecrivez-moi donc toujours de pareilles lettres, et soyez toujours vainqueur. Une telle défaite sera pour moi une victoire. Au reste, vous avez raison de penser que nos leçons ne s'achètent pas avec de l’argent. Quand on ne peut pas donner, il suffit qu'on puisse recevoir. Pour moi, si je rencontre quelqu'un qui suit pauvre, mais passionné pour l’éloquence, je le préfère aux riches. Quand j'étuis jeune, je n'ai pas trouvé des maîtres de ce caractère; mais rien n'empêche que je ne vaille mieux de ce côté. Qu'aucun pauvre n'hésite donc à venir ici, pourvu qu'il possède l'envie et la facilité du travail.
