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Œuvres Jean Cassien (360-435) Avant-Propos et Préface d'Institutions de Cassien

PRÉFACE DE CASSIEN A L'ÉVÊQUE CASTOR

L'Ancien Testament rapporte que Salomon avait reçu d'en haut une sagesse si grande, une prudence si consommée, un coeur si vaste, que les rivages de la mer n'étaient pas plus étendus, et qu'au témoignage de Dieu même, nul homme dans le passé ou l'avenir ne pouvait lui être comparé. (III Reg., IV.) Et cependant, lorsqu'il voulut élever au Seigneur un temple magnifique, il demanda l'aide du roi de Tyr, qui était un étranger. Le roi lui envoya Hiram , le fils d'une veuve, et Salomon s'en servit pour réaliser l'inspiration divine, pour bâtir le temple et l'orner de vases sacrés.

Si ce prince, qui était au-dessus de tous les rois de la terre, si le plus noble et le plus illustre des enfants d'Israël, si celui dont la sagesse surnaturelle surpassait les sciences et les arts de l'Égypte et de l'Orient, n'a pas dédaigné consulter le fils d'une veuve et un étranger, faut-il s'étonner, très-saint évêque Castor, qu'à son exemple vous vous adressiez à moi, malgré ma faiblesse et ma pauvreté, pour vous aider dans un projet plus grand que le sien? Car ce n'est pas avec des pierres insensibles, mais avec des saints que vous voulez bâtir un temple à Dieu; ce n'est pas un édifice temporel et destructible, c'est un monument éternel et immuable; les vases que vous y voulez consacrer, ce ne sont pas des vases de métal, d'or et d'argent, que le roi de Babylone doit prendre pour les faire servir aux débauches de ses princes et de ses concubines, ce sont des âmes saintes, toutes brillantes d'innocence, de justice et de pureté, des vases que doit remplir le Christ même, leur Roi et leur Époux.

Votre province n'avait pas de monastère, et vous voulez en établir un semblable à ceux de l'Orient, et surtout de l'Égypte. Vous possédez toutes les vertus, la science et les richesses spirituelles qui sont nécessaires, et, à défaut de vos leçons, votre vie et vos exemples suffiraient pour diriger ceux qui aspirent à la perfection. Et cependant, pour accomplir votre dessein, vous vous adressez à moi, si pauvre de science et de talent, et vous réclamez le concours de mon indigence. Vous désirez que, malgré mon incapacité, je mette par écrit les institutions que j'ai vues prospérer dans les monastères d'Égypte et de Palestine, et les traditions des Pères qu'on y conserve. Vous me recommandez de le faire, non pas dans ce beau langage qui est un de vos mérites, mais dans un style simple qui fasse comprendre plus facilement la vie des saints à tous les religieux que vous avez reçus dans votre nouveau monastère.

Je voudrais pouvoir répondre à votre pieux désir; mais combien d'obstacles m'épouvantent ! Ma vie d'abord est-elle assez pure pour oser approfondir dignement des choses si élevées, si obscures et si saintes? J'étais bien jeune d'ailleurs lorsque j'étais parmi ces saints religieux qui me soutenaient et m'encourageaient par leurs paroles et leurs exemples, et ce que j'essayais alors, ce que j'ai appris, ce que j'ai vu, il me serait bien difficile de me le rappeler parfaitement, après avoir été privé depuis tant d'années de leur présence et de leurs enseignements. Cet inconvénient est d'autant plus grand, que ces choses ne peuvent être ex-posées, comprises et retenues, et en parlant et en les étudiant: l'expérience seule en donne l'intelligence. Si celui qui les explique doit les avoir pratiquées, il faut aussi que ceux qui les entendent, s'y exercent avec ardeur pour les comprendre; et encore est-il nécessaire de s'en entretenir souvent avec des personnes éclairées, pour ne pas les oublier promptement.

Outre cette difficulté, je sens que je suis incapable de bien exprimer ce que je me rappelle encore. Ajoutez que déjà bien des hommes illustres par leur vie, leur savoir et leur éloquence, ont écrit des livres sur ce sujet. Je citerai, entre autres, saint Basile et saint Jérôme. Le premier, à la demande de ses disciples, a traité de la règle et des questions difficiles avec beaucoup de talent et une grande abondance de textes des saintes Écritures. Le second, non-seulement a composé plusieurs livres sur la vie religieuse , mais encore en a traduit du grec en latin1. Ne serait-ce pas bien présomptueux de vouloir ajouter quelques gouttes à ces fleuves d'éloquence? Et cependant je me laisse persuader par la confiance que votre sainteté m'inspire, et par la promesse que vous me faites que vous recevrez avec plaisir mon pauvre travail et que vous le montrerez seulement aux religieux de votre nouveau monastère. S'ils y trouvent des choses qui ne soient pas bien dites, que leur charité me le pardonne, qu'ils soient indulgents, et qu'ils cherchent dans mes écrits plutôt la vérité que la beauté du langage.

Ainsi je me rends à vos prières, vénérable Père; qui êtes vraiment un modèle de religion et d'humilité. J'entreprends, selon la mesure de mes forces, l'ouvrage que vous me demandez. Je traiterai surtout ce qu'ont passé sous silence ceux qui m'ont précédé, parce qu'ils parlaient plus de ce qu'ils avaient entendu dire que de ce qu'ils savaient par eux-mêmes, et je tâcherai d'instruire votre communauté naissante, qui a soif de la vérité. Je ne chercherai pas à raconter des miracles et des faits extraordinaires, nos anciens m'en ont appris un grand nombre et d'incroyables, beaucoup même se sont accomplis sous mes yeux; mais je passerai sous silence tout ce qui exciterait l'admiration de mes lecteurs, sans leur enseigner une vie plus parfaite. Je m'appliquerai à exposer, aussi fidèlement que Dieu m'en fera la grâce, les institutions et les règles des monastères, les huit vices principaux qu'on y reconnaît, leur origine, leurs causes et les remèdes que la tradition indique pour les combattre.

Mon dessein n'est pas de publier les merveilles de Dieu, mais de dire en peu de mots les moyens de corriger nos moeurs, et d'arriver à la perfection, selon les enseignements que nous avons reçus des anciens. Je me conformerai aussi à vos recommandations, en ne m'arrêtant pas à ce qui serait étranger à la règle primitive, ou à ce qui aurait été retranché ou ajouté par ceux qui établissaient ou dirigeaient des monastères; mais je ferai un récit fidèle et complet de ce que j'ai vu pratiquer dans les couvents les plus anciens de l'Égypte et de la Palestine. Je ne crois pas que les règles des nouvelles fondations de l'Occident puissent être plus sages et plus parfaites que celles qui datent du temps des Apôtres, et que des hommes si spirituels et si saints ont établies dans des monastères qui prospèrent encore de nos jours. Je serai modéré cependant, et si je trouve, dans la règle des solitaires de l'Égypte, quelque chose que la rigueur du climat ou la différence des moeurs rendrait trop dure, trop difficile, ou même impossible dans ces contrées, je l'adoucirai par les tempéraments adoptés dans les monastères de la Palestine et de la Mésopotamie; car dès qu'on fait tout ce qui est raisonnable et possible, l'observance est aussi parfaite, malgré l'inégalité des forces.


  1. Un grand nombre de lettres de saint Jérôme traitent de la vie religieuse. Plusieurs de ses ouvrages en parlent longuement, et ses Vies des Pères du désert en offrent les plus parfaits modèles. Quant à ses traductions du grec, on peut citer celle de saint Antoine par saint Athanase, et la règle de saint Pacôme. ↩

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Von den Einrichtungen der Klöster (BKV)
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